
Date : 22/05/2025
Je revenais du sport. Tram de retour, sac sur l’épaule, pensées relâchées. Et là, dans ce wagon de fin de journée, mon regard s’est posé sur elle. Une brune, de mon âge à peu près. Une allure simple, pas dans la séduction, pas dans la mise en scène — juste là, vraie. Elle portait des Crocs aux pieds, ces chaussures qu’on raille facilement mais qu’on dit impossibles à quitter une fois adoptées. J’ai souri intérieurement. J’ai observé, doucement. J’ai regardé sans insister, sans déranger.
Elle ne semblait pas me voir. Ou peut-être qu’elle me voyait sans le montrer. Nos regards ne se sont pas accrochés, mais quelque chose flottait déjà.
On est descendus au même arrêt. Nos pas ont pris le même trottoir. Elle tenait son téléphone devant elle comme un GPS, l’air un peu perdue, ou simplement concentrée. Elle avançait, et moi aussi. Toujours ce lien ténu, cette présence partagée sans mot.
Et puis, au détour d’un carrefour, ce mot :“Bonsoir.”
Elle l’a dit. Pas dans l’obligation. Pas dans la politesse froide. Mais dans une intention ouverte, presque comme un clin d’œil invisible. J’ai répondu, un peu surpris, un peu ralenti. Elle avait vu. Elle avait compris. Et moi, j’ai compris aussi.
Je me suis dit que si je la recroise, ce serait à moi de dire bonsoir. Un échange simple, comme une balle relancée sans forcer, sans enjeu. Une sorte de ponctuation discrète dans le texte mouvant de la ville.
Peut-être que c’est ça, finalement, vivre.
Pas chercher à convaincre, à conquérir, à performer.
Mais reconnaître. Voir. Répondre à ce qui s’offre, sans peur de mal faire.
Et dans chaque visage croisé, entre deux silences, deviner la possibilité d’exister pour quelqu’un. Même brièvement. Même sans suite.
Bonsoir.
C’est peu.
Mais c’est déjà être là.
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